I FELT APART, COME BACK UP AGAIN.
Cet après-midi-là, il pleuvait à torrent. Tala était sagement assise dans sa chambre en train de jouer avec ses pots de couleurs et ses pinceaux. Sur la toile blanche, elle mélangeait les différentes teintes de façon relativement brouillonne. Enfin, brouillonne pour les autres mais parfaitement clair pour son esprit et son imagination. Du haut de ses sept ans, la petite fillette marmonnait des petits airs de comptine tout en peignant… Jusqu’à ce que sa tante Lucy n’entre dans sa chambre en poussant doucement la porte.
« Tala ? » Entâma la tante sous une voix assez légère et relativement triste.
« Tata Lucy ! » A l’entente de cette voix, Tala tourna le visage vers son ainée en lui offrant un beau et majestueux sourire. Il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour lâcher ses pinceaux et se jeter dans les bras de sa tante.
« Encore une surprise tata ? » La regarda-t-elle de ses yeux heureux et innocents. Le contraste n’en n’était que plus fort avec la culpabilité présente chez la plus âgée.
« Pas vraiment mon ange… » La reposa-t-elle au sol en venant se mettre à genoux devant elle, les mains posées sur ses petites épaules.
« Je sais que tu es encore jeune pour ça mais, mon cœur mais… Papa et maman ne sont plus là. » Ne se rendant pas réellement compte, Tala sourit en hochant de la tête.
« Oui, je sais. Maman a dit qu’ils allaient chercher de quoi manger pour ma fête d’anniversaire, demain. » Confia-t-elle en étirant d’avantage son sourire. La tante ne sut retenir un sanglot alors qu’elle baissait la tête, priant le très haut pour trouver la force de dire ce qu’il s’était passé.
« Justement, ils… Tala, papa et maman… Ils ne rentreront pas. » « Pourquoi ? » demanda la petite d’un air boudeur.
« Ils… Ils ont eu un accident de voiture… Papa et maman sont partis au ciel ma chérie… » Se reculant la bouche grande ouverte, Tala resta comme choquée, fixant le vide devant elle avant de poser son regard sur celui de sa tante.
« Non, t’es méchante, tu mens ! » Cria-t-elle alors en partant de sa chambre tout en pleurant à chaudes larmes. Bien qu’elle était plus triste que réellement en colère, Tala se retrouva bien rapidement confrontée à cette triste réalité, seule, abandonnée, tout comme son frère… La culpabilité dans son petit cœur n’en fut que plus grande, ne cessant de repenser à la cause de leur départ : son anniversaire, sa fête à elle, lui faire plaisir… L’amour de ses parents leur avait coûté la mort… Il n’y avait rien de plus inacceptable pour elle ! Un petit monde s’écroula, une autre vie commençait. Dubaï serait de l’histoire ancienne… Adieu continent natal et bonjour les Etats-Unis. Oui, les Etats-Unis, et plus particulièrement le Connecticut de tante Lucy, ouvraient les bras à Tala et Jake, son frère.
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« Alors frangine, c’est le grand départ ? » Voilà trois ans que Jake était parti à Harvard pour suivre des études universitaires alors que Tala se contentait de terminer ses humanités. Finalement, elle avait obtenu sa terminale, ceci avec de très bonnes notes, et finissait de préparer sa valise alors que son frère venait de la rejoindre dans sa chambre.
« Oui, le grand jour est pour ainsi dire arrivé ! » Murmurant un mouais, Jake vint s’asseoir sur le rebord du lit tout en posant un regard circonspect à sa petite sœur.
« Je suppose qu’il n’y a pas moyen que je te fasse changer d’avis ? » L’aspect protecteur de Jake étira une fois de plus les lèvres de Tala dans un petit rictus. Enfant, le frangin n’avait jamais su supporté la petite dernière de la famille mais, la mort de leurs parents avait tout changé, avait tout fait basculé. Oui, depuis ce triste jour, ils étaient devenus plus soudés que jamais, plus solidement attaché l’un à l’autre comme les deux doigts d’une même main. Une résultante par laquelle Jake ne pouvait s’empêcher d’être parfois bien trop inquiet et bien trop protecteur envers sa cadette.
« Non frérot… Ma décision est prise. C’est ce dont j’ai réellement besoin, plus que tout. » Confia-t-elle en fermant la tirette de sa valise.
« Dommage, t’as une tête, tu pourrais aller loin, très loin… » Elle replaça une mèche de cheveux derrière son oreille aux paroles de son frère. Affichant un petit air désolé, elle prit place à ses côtés sur le lit et y déposa une main sur le genou de notre intéressé.
« Jake… Depuis toujours, toi et moi savons que je ne suis pas faite pour travailler dans un bureau ou dans un hôpital ou que sais-je encore. Mon chemin est différent de la normalité… Mais je ne prendrai pas de risques inutiles, d’accord ? » Hochant doucement de la tête aux paroles de sa sœur, Jake passa un bras autour de ses épaules et déposa un baiser au niveau de sa tempe.
« Comme le dirait tante Lucy, tu es aussi têtue que papa une fois que t’as une idée en tête hein ! » Un petit rire doux, teinté d’une fine mélancolie parcourant le regard de Tala.
« Enfin, tant que tu me promets de faire attention… Après tout, je suis peut-être un grand, un dur et tout ce qu’on veut mais, t’es ma petite sœur… La seule personne qui me reste au monde ! » Sous la nature de ses paroles, Tala comprenait à quel point son départ pouvait toucher son autre, surtout pour qu’il se dévoile d’une telle manière. Elle se réfugia au creux de ses bras et s’y blottit très fort.
« Toi aussi frangin… Toi aussi… » Une étreinte partagée, un départ inévitable. Tala quittait Southington sans être réellement certaine de revenir un jour. Sa nouvelle destination ? L’ensemble du monde entier !
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Sept années de découvertes, sept années de voyage où Tala ne cessa de s’émerveiller devant une multitude de cultures plus magnifiques les unes que les autres. Sept années en solitaire, sans attache, sans amour, sans douceur. Juste le plaisir d’une montagne de feuilles blanches qu’elle transforma de plus en plus sous la forme de récit, de carnets de voyages et d’aventures de fiction qu’elle gardait précieusement avec elle. Sept années à se couper de tout ou, plus particulièrement, de se couper de sa seule et unique véritable attache : son frère, Jake. Un frère qu’elle attendait d’ailleurs dans ce restaurant de Southington, délicieusement vêtue d’une succulente robe noire laissant transparaître le corps de la magnifique jeune femme qu’elle était devenue.
« Tiens donc, monsieur Westfield ! Savez-vous que j’ai failli attendre ?! » Lança notre Tala en voyant finalement son frère arrivé. Quittant son siège, elle partagea une très forte étreinte traduisant à quel point il avait pu lui manquer et, ce, réciproquement d’ailleurs. Le regard touché et un large sourire aux lèvres, il haussa les épaules en guise d’excuses.
« Désolé pour le petit retard mais, je ne suis pas venu seul ce soir ! » Dit-il d’un air presque victorieux qui amusa sa petite sœur.
« Tiens donc ? Mais encore ? » Ne répondant rien dans la seconde, Jake se retourna et fit quelques pas avant de revenir accompagné d’une magnifique et resplendissante blonde qui cloua littéralement Tala sur place.
« Tala, je te présente ma petite amie, Sarina. » Gardant un sourire à l’apparence inexplicable, Tala perdait ses yeux sans retenue dans les océans que représentaient les iris de la prénommée Sarina. Cette dernière rougissait, ne sachant trop comment agir non plus et partageant ce même regard se perdant profondément, longuement, dans un profond et mystérieux plaisir.
« Enchantée Tala… » Rompit-elle alors finement le silence en tendant lentement sa main à sa vis-à-vis.
« Ravi de te rencontrer Sarina… » Venant serrer délicatement sa main, elle n’en démordait pas de ce regard. Un frisson parcouru leurs deux mains, se répandant simultanément dans leur échine alors qu’aucune d’entre elle n’y laissa rien paraître. Venant prendre tous les trois places autour de la table, Jake et Tala se perdirent dans quelques sujets de conversations propres à eux, faisant ressurgir les beaux souvenirs de leur adolescence et de ses folles années où, l’un comme l’autre, ils pouvaient être tout aussi adorables qu’insupportables. Mais, petit à petit, Sarina se joignit plus amplement à la conversation et, au détour de celle-ci, les jeunes femmes semblèrent témoigner d’un intérêt et d’une entente on ne peut plus naturelle pour la seconde.
« Alors, comment tu la trouves ? Vous semblez bien vous entendre, non ? » Sarina venait de s’éclipser vers les toilettes tandis que Tala accueillait la question de son frère sous un signe de tête de droite à gauche, portant son verre de vin aux lèvres.
« Tu sais, ce n’est pas à moi qu’elle doit plaire, ce n’est pas ce qui compte… » Lui sourit-elle en reposant son verre.
« Mais puisque tu ne me lâchera pas si je ne te réponds pas, je la trouve aussi parfaite que magnifique et adorable ! » Lui offrit-elle un clin d’œil pour conclure.
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La nuit était à son comble. Une nuit sombre, obscure, sans lune… La noirceur des ténèbres qui, en son sein, accueillait la douceur de cette silhouette blonde s’avançant vers la porte de cette maison encore éclairée. Prenant une profonde inspiration, Sarina hésita quelques instants avant d’appuyer sur le bouton de la sonnette. Ce n’est qu’en relâchant un soupir qu’elle se donna la force nécessaire de presser ce dernier, sachant qu’il lui était alors impossible de faire marche arrière.
« Oui ? » Lança la voix de Tala au moment même où la brunette ouvrit la porte. En voyant Sarina, elle resta bouche entrouverte et les sourcils froncés.
« Je peux savoir pourquoi t’es venue ici ? » Finit-elle par lancer froidement à l’encontre de notre blonde qui baissa la tête, timide et gênée à la fois.
« Je… Tu me laisses entrer une minute ? » « Pourquoi faire ? » « Tala, s’il te plait… ? » Devant le regard suppliant de son ‘amie’, Tala n’eut pas le cœur de refuser et, dans un soupir, s’écarta en ouvrant d’avantage la porte.
« Après toi… » Remerciant son hôte d’un fin sourire, Sarina s’avança dans le vestibule jusqu’à trouver place dans le salon, devant la toile sur laquelle Tala était en train de s’acharner. Ses yeux océaniques se perdirent sur ladite peinture, lui faisant ressentir la montagne d’émotions contradictoires et douloureuses pouvant animer le cœur de son autre en cette soirée.
« Alors, que puis-je pour toi ? » Bras croisés sur sa poitrine, Tala affichait un air presque sévère qui était en parfaite contradiction envers cette proximité et cette entente naturelle qu’elles avaient toujours eu.
« Je… C’est que… Enfin, hum… Je voudrais savoir pourquoi… Pourquoi t’as réagi comme ça ce soir… ? » Feignait-elle l’ignorance ou bien Tala était-elle donc la seule à éprouver ce qui animait son cœur de plus en plus depuis leur première rencontre ?
« Parce que t’as besoin de m’en poser la question ? » « Je, euh… Eh bien oui. » Hocha la belle blonde sous un soupir, aux allures exaspérés, de Tala.
« Si t’es pas capable de le comprendre par toi-même, alors rentre chez toi. De toute façon, c’est ce qu’il y a de mieux à faire, non ? » Elle tourna alors les talons, quittant le salon pour se rendre jusqu’à la cuisine, délaissant une Sarina devenant de plus en plus nerveuse et décontenancée pour la peine. Trouvant refuge près de son plan de travail, Tala enfouissait sa tête entre ses bras tendus, le cœur battant à du trois cent à l’heure, l’intérieur de son bas ventre n’étant qu’une insurmontable douleur comme si on ne cessait de la poignarder.
« Tala, je… » Résonna finalement la voix de Sarina, posant tendrement une main sur le dos de son amie.
« Non, je sais… C’était une évidence qu’il finirait par te demander en mariage… Et, j’aurais aimé que les choses soient différentes mais, j’y arrive pas, j’y arrive plus Sari… » Son corps parlait pour son esprit. Sarina ne voulait pas voir l’évidence et, pourtant, elle sentait tout autant son propre cœur lui échapper dans ses battements alors qu’elle ne pouvait se retenir de se pencher sur le corps courbé de Tala pour l’entourer de ses bras.
« Tala, je… » Sentant les mains autour d’elle, notre brunette y joignit les siennes, y entrelaçant ses doigts à ceux de Sarina.
« Je sais que c’est impossible… Tout comme je sais que je suis amoureuse de toi… Et que rien n’y personne n’aura autant de place que toi à mes yeux… Tout comme je ne peux pas trahir mon frère… » Sous la dure symbolique de ses paroles, Sarina n’en tenu plus et retourna Tala face à elle pour venir capturer avidement, passionnément et amoureusement les lèvres de la brune. Tout comme elle, son cœur lui appartenait mais elle ne pouvait se résoudre à détruire le cœur de Jake. Il était comme un frère, comme un meilleur ami, elle ne supporterait pas de lui infliger une telle souffrance. Elle voulait se rendre aveugle des sentiments et de la passion ressentie à l’égard de Tala. Elle voulait tout enfouir au plus profond d’elle-même et, ce, même si cette nuit-là fut la leur. Une nuit magique, une nuit de rêve, une nuit unique… Le lendemain matin, Tala regardait Sarina dormir tout en gardant un bras enlacé autour des hanches de son amante. Un fin mouvement de tête et la blonde cligna des yeux avant de lui sourire tendrement et d’échanger un furtif baiser.
« Ca va se compliquer j’ai l’impression… » Murmura Sarina avec une mine inquiète et troublée, bien que ses doigts s’entrelacèrent à ceux de Tala. Cette dernière déposa un baiser sur son épaule avant de baisser le regard.
« Je t’aime Sarina… Mais je ne peux pas faire ça à Jake… »---
Voilà près de huit mois que Sarina et moi avons vécu cette nuit d’amour et de passion intense. Voilà près de huit mois que j’ai refusé, à contre cœur, de donner suite à cette aventure sans lendemain alors que mon âme ne cesse de s’en détruire. Pourtant, tout le monde me dira que j’ai tout pour être heureuse : une carrière d’écrivain dont les récits se veulent riches de mon voyage autour du monde et des méandres fantaisistes qui animent mon esprit. Les quelques vernissages que je réalise de par mes peintures sont toujours un véritable succès et, qui plus est, je jouis d’interaction, de discours et d’apprentissage avec mon boulot de professeur. Un aspect de ma vie se voulant assez imposant au quotidien par ailleurs. Mais cela n’atténue tout de même pas le poids de cette souffrance et le poids de cet amour qui ne cesse de me détruire encore aujourd’hui. Je continue de voir mon frère et Sarina, bien que je ne cacherai pas chercher à l’éviter autant que possible en ce qui la concerne… Je rêve d’être auprès d’elle, de passer mes journées à ses côtés… Mais, j’ai peur des conséquences si l’on était amenée à n’être de nouveau que toutes les deux… Mon histoire n’est pas un conte de fées, et je ne veux pas qu’elle emprunte la voie de la tragédie… Bien que, indéniablement, ma conclusion n’en sera pas si différente de ce courant littéraire… !