NOM : stark, un nom qu'elle a toujours estimé austère, et peu gracieux, mais qu'elle a toujours été fière de porter : son père n'avait rien du type sans âme qui battait ses enfants ou n'en avait rien à faire de sa famille, il n'était pas non plus l'homme qui l'avait abandonnée à sa naissance. au contraire, elle est aujourd'hui encore très proche de celui-ci (malgré le vivace sentiment qu'elle a qu'il ne la comprendra jamais), tout autant qu'elle est fière de ses origines. celles-ci, d'ailleurs, semblent remonter au monde germanique, puisque "stark" en allemand désignerait un homme robuste, large d'épaules et fier, elle n'a cependant aucune trace de toute appartenance au monde allemand. PRÉNOM(S) : maeve, à prononcer "mieve" est un prénom d'origine irlandaise (ses parents n'ont jamais vraiment apprécié les clichés des prénoms américains par excellence), qui désignerait une fille plutôt hypersensible et affective (quoique, pas au premier abord) ce qu'elle est, en somme : aussi, lorsqu'elle a découvert ce fait sur un site internet, elle a dû plus ou moins accepter l'idée que les sites à deux balles pouvaient parfois avoir raison. elys - à prononcer "eliz" signifie "dieu est serment" en hébreu, est d'origine française (un poil américanisé) et dépeindrait une jeune femme plutôt indépendante et indisciplinée, encore une part de sa personnalité, même si elle n'aime pas forcément l'avouer. DATE ET LIEU DE NAISSANCE : elle est née un fameux dix-sept novembre 1988, un jour d'hiver plutôt froid à southington dans le connecticut, sa mère se plait sans cesse à raconter l'histoire de la naissance de sa chère petite fille (enfin une fille parmi tous ces garçons), si douce et sage dès son premier instant de vie. ÂGE : mais cela fait désormais vingt-quatre ans que maeve n'est plus une douce petite fille rêveuse et gracieuse : elle a bien grandi et vient tout juste de terminer ses études, heureusement pour elle, elle est encore assez naïve pour nourrir tout un tas de belles ambitions folles - du moins, c'était encore le cas il y a quelques temps. ORIGINES : si elle est de nationalité américaine, maeve a toujours eu conscience d'avoir un brin d'angleterre coulant dans ses veines (ses grands-parents maternels ont quitté l'europe assez jeunes pour vivre le rêve américain), mais elle ne s'estime que très peu anglaise, bien plus américaine que ce qu'il faudrait sans doute : elle aime les frites, les ben&jerry's à la pelle, les ordinateurs mac, les smartphones dernière génération et les gros blockbusters plein d'effets spéciaux, ainsi que plusieurs vieux groupes bien américains. STATUT CIVIL : il n'y a pas si longtemps que ça, elle avait un petit-ami à charrier sur quand il oserait sauter le pas de la demander en mariage ; elle était heureuse et sa vie était on ne peut plus banale, mais les circonstances ont décidé de la rendre célibataire désespérée, en deuil et éternellement accrochée au souvenir de "ce qui aurait pu être" mais qui ne sera jamais, un peu pitoyable, n'est-ce pas ? ORIENTATION SEXUELLE : maeve reste très constitutionnelle dans son esprit, et même si la vie d'autrui ne la regarde pas, elle est hétérosexuelle et n'a jamais eu la moindre envie de tenter quoique ce soit avec une demoiselle, même lorsqu'elle étudiait et que l'université se présentait comme l'endroit de toutes les tentatives, ou lorsqu'elle était vraiment bourrée. PROFESSION/ÉTUDES : aujourd'hui ses études terminées, maeve alimente bien des ambitions, mais elle n'est que stagiaire, assistante, miss café dans un journal local, bloggeuse à ses heures perdues sur des sujets on ne peut plus frivoles (les rumeurs de la ville, les vieilles histoires, même le paranormal, parfois) - elle a malgré tout sa base de fans, c'est dire, et puis régulièrement mangeuse de glace devant la télévision, grande connaisseuse des soap opera américains, joueuse de wii acharnée, geeke de comics et grande connaisseuse de toutes les soluces possibles et imaginables des jeux vidéos. elle avait cependant fait des études de sociologie, anthropologie et analyses des folklores historiques de ce vaste pays qu'est l'amérique : son plus grand souhait serait sans doute de vagabonder un peu partout, de découvrir des cultures encore plus larges, mais malheureusement, elle préfère la culture "canapé/pizza" de la société moderne. GROUPE : open the mind est son groupe, il y a peu de temps encore, cette histoire de légende urbaine l'intéressait à outrance, l'amenant à se poser foule de questions et à chercher à glaner des informations, mais depuis qu'elle a perdu son petit-ami, que sa vie a pris une tournure bien compliquée, les histoires poussiéreuses sont bien le cadet de ses soucis, elle ignore bien volontiers le sujet, elle a d'autres emmerdes.

~ comment as-tu découvert la légende de l'avenue Stanley Hall ? façon originale de faire une telle découverte (ou pas vraiment, en fait) maeve a appris l'existence de cette légende très jeune : elle devait avoir entre dix et douze ans, la famille stark était partie en vacances dans cette résidence secondaire au bord d'un lac, en plein milieu d'une forêt sauvage pour prendre un bol d'air - et, alors que les parents étaient endormis, les quatre enfants de la fratrie partageaient quelques histoires d'horreur dans la pénombre de leur chambre. en digne petite dernière (et seule fille), maeve était la cible de toutes les moqueries, et c'est son plus grand frère qui a raconté cette histoire ; lampe de poche collée au visage, regard menaçant et ton sirupeux de cérémonie. après celle-ci, elle n'a pas pu dormir de la nuit, ses couvertures rabattues jusqu'au nez et l'a racontée à ses parents, qui ont très vite réprimandé les aînés pour ce qu'ils avaient fait à leur cadette : il ne fallait pas raconter de telles sornettes à de si jeunes oreilles. le temps restant de leurs vacances, toute la famille s'est appliquée à trouver toutes les raisons possibles et imaginables pour justifier le fait qu'une telle légende urbaine ne puisse pas être vraie. ~ penses-tu que cet événement ait réellement eu lieu ? sans véritablement penser qu'une telle chose puisse avoir lieu, maeve a toujours été quelque peu inspirée, attirée par cette histoire - mine de rien, elle en a assez souvent parlé dans ses quelques articles de bloggeuse : celle-ci l'a d'ailleurs poussée, à jouer l'enquêtrice pour certaines vieilles histoires de morts étranges à southington. rien de bien concluant et il fallait avouer que lever le voile du vrai/faux sur cette légende, était un grand projet de la curieuse maeve qu'elle était : il n'y a pas si longtemps que ça, elle en parlait bien souvent, engageant la conversation sur cette histoire poussiéreuse avec qui voulait bien lui permettre d'avoir une conversation. fouineuse et déterminée, elle avait déjà rassemblée beaucoup d'éléments intéressants, échoués de la bouche de quelques personnes - toutes avaient des avis contraires, d'ailleurs. mais depuis la mort de son petit-ami, les priorités de maeve ont quelque peu changé, et c'est sans vergogne qu'elle envoie promener cette histoire d'enquête et de légende urbaine - la vie est bien trop compliquée telle qu'elle est, et il faut avouer que cette joie de vivre qui faisait la jeune femme telle qu'elle était, n'est plus vraiment au goût du jour. ~ quelle est la légende urbaine qui t'effraye le plus ? elle n'a pas pour habitude d'être effrayée par beaucoup de choses - avec ses frères, elle a des années de tortures viles et sadiques en stock, mais s'il y a bien une histoire (sur laquelle elle a osé arrêter son intérêt) qui lui a foutu la chair de poule, c'est celle du monstre de tenby qui n'est, à son humble avis, que trop récente pour qu'elle puisse prendre quelque recul que ce soit - ces bestioles à même de lui faire froid dans le dos ont le don de la captiver et la répugner à la fois, alors si elle devait choisir un des articles qu'elle a rédigé comme étant un particulièrement "glauques" ce serait sans doute celui-ci : car non, elle ne croit pas aux fantômes ou à une bloody mary tuant les gens à travers un miroir - mine de rien, elle a un côté très terre à terre qui la pousse plus à analyser les choses qu'à se contenter des faits relatés par un tel ou un tel. les monstres de tenby, manhattan et d'autres coins cependant, semblent eux faits de chair et de sang, d'os et d'une existence bien avérée, rien de tel pour lui foutre la trouille, quand même.

Il y a les vies des malchanceux, et les vies des éternelles gamines - des princesses à la poudre aux yeux, rêvant encore de prince charmant et de chevaux blancs. Triste gamine que tu es, si tu crois encore au Père Noël, si tu as l’audace de te sentir être la Raiponce des temps modernes. Ici, les hommes sont des chiens, la vie est une pute, et tu n’es rien. C’est beau, y’a pas à dire, d’idéaliser la misérable existence du déchet humain sur cette vaste planète et au moins, tu as été pendant un moment la digne représentante de toute la naïveté née d’un quotidien sans encombre. Southington, autant que tu rêves d’autres horizons, ce bled est peut-être fait pour toi, il te préserve des affres cauchemardesques des difficultés des jours à venir, ici, tu peux encore te permettre de rêver à un avenir meilleur.

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I. I'M LIVING IN.

american dreams came true somehow, i swore i'd chase until i was dead. i heard the streets were paved with gold, that's what my father said. no one even knows what life was like.

« Vous êtes stupides, laissez-moi tranquille ! » Regard larmoyant, voix chevrotante, la petite fille vint poser ses mains sur ses oreilles, crispée de la tête aux pieds par l’énervement. Ce petit excès de caractère fit rire ses trois aînés, qui la dévisageaient non sans un amusement acerbe au fond des yeux. « Pleurs pas, little M, c’est juste une histoire, et puis je crois bien que depuis le temps, le vieux boucher est mort. » Le ton modéré de l’aîné de tous eut le don de capturer l’attention de l’enfant - depuis quelques heures déjà, les parents Stark avaient quitté la maison pour passer la soirée chez des amis, et la petite cadette qu’était Maeve avait eu la folie d’accepter de lâcher ses poupées pour aller jouer avec ses frères : ils avaient finalement passé une dizaine de minutes à bien vouloir répondre aux envies de la petite fille, avant de revenir sur leur occupation favorite : trouver tous les moyens possibles et imaginables pour bizuter la petite dernière en bonne et due forme. Bien souvent, ils n’avaient pas besoin de faire grand chose de plus que de raconter des histoires à dormir debout sur des fantômes, vieux meurtres lugubres - elle était si jeune qu’elle gobait toutes les folies qui passaient les lèvres de ces trois jeunes ingrats. « Je pense que du coup, s’il devait venir te visiter, ce serait son fantôme qui viendrait. » Un autre rire se joignit à celui du premier des frères. « Peut-être même qu’il est déjà venu, j’ai même entendu des drôles de bruits l’autre nuit. » Et ils balançaient les histoires les plus grosses qui soient : plus elles étaient folles, démesurées et sans queue ni tête, plus la pauvre Maeve y croyait. Elle avait tout, depuis sa naissance, pour être le bouc-émissaire de cette maison : chouchoute, d’une quelconque manière, puisque seule fille et petite dernière de la fratrie, toujours surprotégée par les parents Stark là où les trois aînés s’émancipaient déjà du contrôle parental. « Je vais le dire à maman ! Et à papa ! Quand ils rentreront, vous verrez ! » Ils rirent de plus belle, commençant à la charrier plus encore avec toute l’ironie dont ils étaient capables, sans tenter de la dissuader en quoique ce soit : c’était l’amour vache par ici, et plus ils se faisaient punir à cause de ce qu’ils faisaient subir à leur cadette, plus ils lui en faisaient voir de toutes les couleurs. C’était leur façon bien à eux d’apprécier la compagnie de cette petite dernière, arrivée avec quelques années de retard, avec ses petites tresses et son regard encore brillant de candeur - eux, ils charriaient déjà l’adolescence tandis qu’elle, elle s’occupait encore avec des poupons en plastique sans penser à l’avenir. Leur gentillet venin n’était après tout, qu’un avant-goût de ce qu’allait être la vie, aussi banale semblait-elle se profiler à l’horizon. Elle apprendrait au moins à avoir du répondant face aux obstacles du quotidien.



II. FROM NOWHERE.

cause every now and then i fall a bit behind, every time i stare into your eyes, your thrills i find. it's not hard to be left behind so i'll run, you'll hide. we know better than to stay outside.

« Cap. » Son regard se suspendit au sien, une fraction de seconde devint une éternité. Et son cœur battait si lentement qu’elle aurait pu en mourir, les jambes faiblissant sous les iris sombres de Jude. Si sombres, imprenables, elle s’y baignait cependant avec délices, un frisson léchant son échine avec une douceur qu’elle ne ressentait que lorsqu’il était là. C’avait été un petit jeu malsain, au départ, qui les avait faits grimper de plus en plus haut dans les arbres, manquer de sauter dans un lac gelé en plein hiver. Maeve avait déjà eu un bras cassé, et une sacrée cicatrice marquait encore son genou à cause de ce jeu. Mais c’était ce qui la liait irrémédiablement à lui, ce qui faisait qu’elle osait transcender cette gêne brûlant au fond de ses entrailles. Elle ne dit mot, cependant, elle avait perdu tout sourire sur son visage, et elle manqua même de se reculer lorsqu’il s’approcha d’elle. Cependant la main de Jude posé sur son épaule, la douceur de son souffle, là, si près – et la caresse de ses lèvres contre les siennes eurent raison de ses bonnes résolutions. Il l’embrassa, d’un premier baiser à tout, d’un premier avant-goût qu’elle n’oserait avouer, délicieusement doucereux. A travers ses lèvres, il répandait un océan déferlant au creux de son ventre, en des papillonnements pétillants, dont les arômes exotiques lui donnaient la chair de poule. C’était Jude. C’était un baiser de Jude, de ceux auxquels elle avait souvent pensé en arrêtant ses regards dans sa direction ou même dans ses rêveries solitaires, lorsqu’elle s’arrêtait pour écrire quelques lignes dans son journal intime. Elle était si jeune, si stupide, si idéaliste à se sentir emportée dans un vertige, de la tête aux pieds. A présent, l’éternité elle-même semblait trop courte, aussi, elle eut de la peine à reprendre son souffle lorsqu’il relâcha sa bouche, lorsqu’elle perdit ce sentiment enivrant d’accomplissement – d’un pas en avant. Le rose encore accroché à ses joues devenues brûlantes, Maeve détourna le regard, une main dans ses cheveux traduisant sa nervosité plus encore que son visage empourpré. La réalité avait repris sa place et les secondes passaient douloureusement maintenant, sous le regard inquisiteur du jeune homme. Elle ne savait pas ce qu’ils venaient de faire – mais ce qu’elle savait, c’était qu’elle était amoureuse de Jude, comme elle ne le serait jamais plus dans sa vie. Elle avait beau être jeune, si jeune qu’elle se contentait encore des amourettes de collège sans importance, elle savait que lui, lui en particulier avait sa place réservée dans son cœur, dans chaque fibre de son corps ainsi que chaque parcelle de son existence. « Eh bien… » Elle ne trouvait pas ses mots, elle pensait bêtement que Jude traversait son mal être également. « Cap ou pas cap de rejoindre l’équipe des cheerleaders. » Les pensées de Maeve se stoppèrent sur l’instant, et ce baiser fut effacé par l’amertume qu’elle ressentit au fond de sa gorge. Ils en étaient là, alors ? Certes, peut-être qu’elle n’avait pas été la plus astucieuse qui soit en profitant de ce jeu pour décrocher un baiser à Jude, mais… Mais c’était quand même eux, qui s’embrassaient. Bêtement, elle avait espéré que ça pouvait signifier plus pour lui, n’importe quoi d’autre qu’un stupide cap ou pas cap auquel il avait répondu, juste par orgueil. « Q-quoi ? » Son ton, quelque peu irrité ne sembla pas être remarqué par Jude, qui posa un regard presque bienveillant sur elle. La honte lui fit monter les larmes aux yeux, alors qu’elle serrait les dents : comment pouvait-elle être aussi idiote, franchement ?! Elle était bien la seule, assez stupide pour arrêter son regard sur un type qui ne la voyait que comme la pauvre fille tout juste capable de remplir des défis tous plus débiles les uns que les autres ! Des années, des années déjà qu’ils se côtoyaient, et c’était tout ?! Cet amer venin, elle aurait voulu le déverser en plein dans sa gueule de pauvre type, mais elle n’en fit rien ; elle n’entendit qu’à peine ce qu’il lui répondit et de toute manière, elle leva une main, lui faisant signe de ne plus rien dire. Qu’il mette fin à son supplice par pitié. « Tu sais quoi, Moriarty ? Tu devrais sérieusement penser à aller faire des analyses, pour voir si t’as pas de la purée à la place du cerveau ! Et puis tu sais quoi encore ?! Va te faire foutre ! » Merde, pourquoi est-ce qu’elle s’excitait à ce point ? Elle n’en savait rien, tout son être n’était qu’un mélange en ébullition de honte, de colère, de jalousie et même d’un ressentiment acerbe envers elle-même. Ce n’était peut-être pas lui qui avait de la purée à la place du cerveau, mais qu’est-ce que ça pouvait faire ? C’était fini ces histoires stupides, tout n’avait été qu’artifices entre eux, de toute manière.



III. HOPE IT GIVES YOU HELL.

now where's you picket fence love and where's that shiny car, and did it ever get you far. you've never seem so tense love, i've never seen you fall so hard. do you know where you are. and truth be told i miss you, and truth be told i'm lying.

« On devrait proposer à Jude de venir. Peut-être qu’il trouvera une nana là-bas et qu’il se décoincera un peu. » Springbreak, c’était le digne prétexte pour tous les mecs de se trouver une nana par nuit. A cette pensée, de Jude s’accouplant avec une femelle perfide et bourrée tous les soirs pendant deux semaines, Maeve tenta – presque vainement – de masquer l’inquiétude qui lui enserra le cœur. Jude. Elle ne pouvait pas avoir des pensées possessives à ce point sur lui, bordel. Pourquoi est-ce qu’il continuait de la hanter, de la rattraper de la sorte, constamment, à chaque fois que ce nom sortait de la bouche de n’importe qui ? Et Dieu seul savait au combien c’était souvent : des amies de Maeve qui lorgnaient sur celui-ci (conscientes qu’il était libre – mais imprudentes quant au regard meurtrier que la jeune femme leur lançait), au petit-ami même de Maeve. Ce qui était légitime, en somme, sans doute. « Allez, ce sera marrant ! En digne meilleur ami, il faut bien que je joue un peu les entremetteurs ; il n’est pas vraiment capable lui-même de se trouver une copine sans un peu d’aide. » La feeeerme. La réplique manqua de fuser à haute voix, alors que la jeune femme – coupablement courroucée – tentait d’effacer la mauvaise humeur qui acidifiait tout son être à présent. « Sans doute, oui. » Marmonna-t-elle simplement, fascinée à présent par la manche de son pull, qu’elle triturait dans tous les sens. Jude était un crétin, ce n’était pas nouveau : monsieur avait dû se contenter de croire que la haine viscérale de l’adolescente qu’elle avait été pour les cheerleaders et la stupidité de son pari les avaient éloignés. C’était si facile de voir les choses comme ça. Depuis quelques temps déjà, la seule chose qui semblait pousser Maeve et Jude à être dans une même pièce, c’était Owen : comme Owen le meilleur ami de Jude, Owen comme le type avec qui Maeve sortait depuis quelques temps déjà. Avec lui, de toute manière, les choses s’étaient au moins faites facilement, il l’avait regardée droit dans les yeux, au moment où il lui avait chuchotées quelques paroles et il n’avait certainement pas changé de sujet comme un gros crétin la première fois qu’il l’avait embrassée. Peut-être bien qu’Owen était le type de garçon dont elle avait besoin – elle s’en contentait très bien, elle ressentait même avec lui ce délicieux sentiment de miel au fond du cœur. Mais les souvenirs qu’elle avait avec Jude, cette colère qu’elle avait toujours contre lui – et puis ces papillonnements devenus des grondements sourds maintenant qu’il côtoyait d’autres filles, tout était encore là pour la ramener inlassablement à lui. La réalité l’extirpa au moins de ses cauchemardesques pensées, alors qu’elle sursautait, frissonnait sous les doigts de son petit-ami s’étant glissées contre sa taille. Un rire, et il parvint à effacer cet air inquiet, tendu de ses traits. « Arrête, ça chatouille ! » « J’avoue, c’est le but. » Elle lâcha un nouveau rire, se cambrant légèrement sans pour autant faire le moindre effort pour se défaire de son étreinte : être dans les bras d’Owen lui laissait l’illusion de n’être affectée par rien – ni par le passé, ni par le temps présent ou par l’avenir qui se profilait. Ni par Jude, ni par cette tristesse qu’elle gardait au fond d’elle, derrière ce sourire si blanc, si doux. Et aussi longtemps que durerait ce chagrin, ce deuil de ce qu’ils avaient été, Jude et elle – elle espérait, presque égoïstement, qu’elle ne perdrait jamais ce réconfort si particulier. Mais comme pour se persuader qu’elle l’aimait - qu’elle l’aimait vraiment – elle ne lâchait rien, luttait, embrassait cette destinée complexe et malheureuse qu’elle connaîtrait avec lui, si les choses ne changeaient pas. Tendrement, elle pivota pour s’échapper des mains du jeune homme, déposant un baiser sur ses lèvres.



IV. JUST WANNA FEEL ALIVE.

anybody out there ? 'cause i don't hear a sound. i don't really know where the world is but i miss it now. i'm out on the edge and i'm screaming my name, like a fool at the top of my lungs. sometimes when i close my eyes i pretend I'm alright, but it's never enough. 'cause my echo is the only voice coming back.

Il n’y avait que le martèlement disgracieux de la pluie sur les carreaux de sa chambre d’enfant qui brisait le silence autour d’elle. Il pleuvait – à croire que le monde pleurait pour elle. Ou pour lui. Regard baissé, Maeve n’était qu’un désert aride qui ne comprenait pas quelle folie traversait son corps : depuis que la nouvelle était tombée, depuis que l’hôpital avait appelé – et dans les longues périodes d’attente, et au téléphone avec les parents d’Owen, elle n’avait pas versé la moindre larme. Pouvait-elle seulement pleurer sans se sentir coupable ? Sans se maudire intérieurement pour pleurer un homme duquel elle n’a jamais été à la hauteur ? Jeune, elle avait été une idéaliste, une imbécile que de croire que ses sentiments pour Owen pouvaient évoluer : elle l’avait aimé, mais jamais aussi intensément qu’elle ne s’était sentie aimer Jude, dans ces périodes ténébreuses qui n’étaient pas si lointaines. Quelle idiote. L’avenir qu’elle s’était vue avoir avec Owen, avait été celui dont elle se contentait, presque par dépit – celui face auquel elle n’arrivait pas à être honnête, de peur de ne jamais pouvoir se reconstruire. Owen était son monde, l’astre solaire autour duquel Maeve avait construit et fait graviter sa vie, cependant, son cœur – ou cette part du cœur réservé à l’amour, n’avait sans doute jamais vraiment appartenu à Owen. Elle ne savait pas – elle n’en savait rien : inlassablement, tout se remettait en question dans son esprit : quand elle s’arrêtait de penser, qu’elle sentait les battements fébriles de son palpitant, elle pouvait le sentir brisé au fond de sa poitrine, arraché par le malheur et pourtant, elle se voyait comme l’être misérable qui avait fait des dernières années de vie d’Owen, un épais mensonge. La haine lui fit serrer les dents : elle ressentait ça, en fait, depuis que la nouvelle était tombée, depuis le milieu de la nuit, où elle avait passé cette robe, incapable de dormir. Aujourd’hui, elle enterrait son petit-ami, vêtue de cette robe noire si classieuse, soutenue par ses proches qui laissaient errer sur elle des regards trop insistants et Dieu seul savait quand elle daignerait pleurer, quand elle daignerait montrer le moindre sentiment, autre que la façade placide dont elle se grimait depuis maintenant des lustres. Pourquoi est-ce qu’elle ne pleurait pas ?! Nerveuse, elle se leva du bord de son lit, faisant les cent pas dans la pièce : encore une fois, comme un éternel rituel qu’elle répétait en boucle depuis le début de la nuit, elle s’arrêta devant le miroir de sa chambre, s’examinant de la tête aux pieds. Owen aurait dit d’elle qu’elle était très belle, bien que ses cheveux aient besoin d’un léger rafraichissement. Depuis des jours déjà, elle passait son temps dans cette chambre, sa mère aux petits soins avec elle, cherchant à lui arracher quelques mots : rien ne venait, ni mots, ni larmes. De ses mains blanchâtres, tremblantes, elle aplatit le bord de sa robe, comme pour effacer un pli qui n’existait pas ; bêtement, elle n’avait jamais pensé à ces moments-là de sa vie, les jours où elle connaîtrait le deuil, où elle devrait – irrémédiablement – enterrer quelqu’un : l’existence était faite de ça ; plus longtemps elle vivrait, plus elle amasserait d’expérience dans ces cérémonies sans intérêt. Ses grands-parents finiraient par mourir, après eux ses parents, ses frères… d’autres gens, comme Owen. Jude – poing serré, elle enfonça ses ongles dans la chair de sa paume, des larmes charriant la frontière de ses yeux : pourquoi, pourquoi est-ce qu’en un jour pareil, elle devait penser à lui ? Pourquoi pleurait-elle maintenant ? Elle le détestait. Non, elle se détestait pour ne pas avoir réussi à s’en défaire, pour n’avoir que trop souvent pensé à Jude lors des moments qu’elle passait avec Owen – pour sentir un inavouable soulagement à l’absence d’Owen, à présent, dans sa vie. C’était insupportable, insupportable d’avoir de pareilles pensées – elle était monstrueuse, et dans une vague déferlant de rage, elle éclata son reflet en mille morceaux, ayant saisi la première chose qui lui passait sous la main pour l’envoyer contre le miroir. Sept ans de malheur, peut-être bien qu’elle ferait pénitence.



V. POISON & WINE.

you only know what i want you to. i know everything you don't want me to. oh your mouth is poison, your mouth is wine. you think your dreams are the same as mine. i don't love you but i always will. i wish you'd hold me when i turn my back. the less i give the more i get back. your hands can heal, your hands can bruise. idon't have a choice but i still choose you.

« Et puis là, il t’a embrassée ? » Franche, la grimace de la jeune femme parlait à sa place ; légèrement nerveuse suite à cette révélation – excitée, malgré elle, Maeve s’agita sur sa chaise, tentant de n’afficher aucun sourire. « Ouais. Ouais, il m’a embrassée. » Ç’avait été un baiser comme elle n'en avait jamais connus avec Owen (malheureusement), comme dans le souvenir qu'elle gardait du seul, unique, premier qu'ils avaient échangé des années auparavant. Ç’avait été un baiser de Jude, un vrai de vrai, sensationnel et vertigineux, glacial et brûlant à la fois - il avait réveillé l'indomptable volcan de ses sentiments, elle ne parvenait qu'à peine à souffler sur les braises qu'il avait semé un peu partout sur son passage. Heureusement que la lumière dans le club n’était pas optimale, sans quoi, on aurait pu jurer la voir rougir de contentement. Mais elle ne devait pas. Ils ne devaient pas – plus jamais. La petite amie endeuillée et le meilleur ami, si elle pouvait tout accepter du regard des autres, elle ne pourrait sans doute jamais vivre elle-même avec ça. Avec cette idée continuant de tourner dans sa tête. Ces derniers temps, à sortir trop souvent, à côtoyer des hommes sans intérêt juste pour le plaisir d’avoir une conversation sans intérêt, Maeve passait déjà pour la pauvre fille qui faisait bizarrement son deuil, quelques semaines à peine après l’enterrement de son petit ami. Peut-être était-ce le cas, elle avait une drôle de manière de gérer le deuil, les images de l’enterrement d’Owen qui revenaient inlassablement se coller contre le voile de ses paupières : elle ne savait pas. Elle-même ne savait pas pourquoi elle s’était laissée entraîner dans ce club ce soir, où elle sentait quelques regards posés sur elle – elle ne savait pas pourquoi elle s’acharnait à masquer son sourire- un sourire qui n’aurait jamais dû être – lorsqu’elle pensait à ce baiser, que Jude lui avait arraché. Elle devrait être en colère, le blâmer pour la trahison qu’il commettait envers son meilleur ami à peine enterré et pourtant… Pourtant, sa vie n’était qu’un océan de circonstances incompréhensibles, qu’elle détestait. « Tu sais, je pense que ça craint. » Ajouta la jeune femme face à Maeve, un regard accusateur au fond des yeux. Sans doute avait-elle réussi à décrypter une certaine dose de ce contentement naïf que ressentait la part encore adolescente, encore tristement amoureuse de lui. « Eh bah… je lui ai dit, tu crois quoi ? Et puis je lui ai balancé une bonne partie des trucs qui traînaient, sans oublier la baffe qu’il s’est prise, je suis sure que j’ai encore la marque - là ? » Elle mentait – paume présentée à l’appui, bien entendu. Tout ce qu’elle avait pu faire, c’était s’enfuir en courant sans s’arrêter (ni même quand il l’a appelée pour la retenir, ni quand elle savait qu’il la poursuivait dans la rue) – fuir pour masquer sa gêne, ou alors ces frissons insatiables qu’il avait réveillés, par la caresse de ses lèvres. Bon dieu qu’est-ce qu’elle le détestait, ce crétin qui portait sa crétinerie comme un boulet depuis aussi longtemps qu’elle le connaissait.